Brésil - France : "La Seleção, c'est plus fort que les Beatles"
Chacune des apparitions de la Seleçao fait l'évènement au Brésil. Reportage au coeur d'un phénomène qui dépasse l'entendement.
804 kilomètres, c'est la faible distance qui sépare Montevideo de Porto Alegre. C'est peu à l'échelle du sous-continent sud-américain mais c'est énorme. Car il existe une frontière bel et bien étanche entre le Brésil et l'Uruguay. Incognito à Montevideo, les Bleus ont basculé dans une autre dimension sitôt le pied posé sur le sol brésilien.
D'un seul coup, leurs entrainements et leurs conférences de presse sont devenus des évènements. D'un seul coup, des supporters locaux ont campé devant leur hôtel alors même que, dans cette équipe de France relookée, "seul Benzema est connu des supporters du Brésil", nous renseigne Andre Baibich, journaliste au quotidien de Porto Alegre Zero Hora. Mais ici, plus qu'ailleurs, le football est une religion, un mode de vie. "Le Brésil, ça respire le football, ça vit le football avec beaucoup de passion et de ferveur", témoignait jeudi Didier Deschamps quelques heures seulement après son arrivée à Porto Alegre.
Le quotidien de la Seleçao éclipse Roland-Garros
Sur les chaînes locales, impossible d'avoir accès à la demi-finale de Jo-Wilfried Tsonga à Roland-Garros. En revanche, la télévision brésilienne passe en continu les images des Auriverde à l'entrainement ou à la sortie de leur hôtel. Ici, Daniel Alves sort de l'aéroport, là Neymar fait un signe à ses supporters à travers les vitres teintées du bus de la sélection. Les talks shows sur le prochain Brésil-France se succèdent. Les duplex depuis l'hôtel de la Seleçao, à toutes heures du jour et de la nuit, rythment les journées des Brésiliens, la blessure de Damiao et la convocation de Jô squattent les Unes des JT.
Chaque apparition publique d'un membre de la sélection est un événement en soi alors même que la sélection auriverde, 22e au classement FIFA (!), reste sur une seule victoire lors de ses huit derniers matches et que ses prestations inquiètent un pays tout entier. Mais la Seleçao est sacrée et charrie avec elle les passions de tout un peuple puisque au Brésil, selon un dicton populaire, "chacun naît avec un nom, une religion et une équipe de foot." Et la Seleçao est sans doute au-dessus de tout cela.
Neymar escorté par des groupies en furie
"La Seleçao, c'est plus fort que les Beatles", résume bien Celso Santos Junior, journaliste pour Portal Terra, le plus grand site d'information d'Amérique du Sud. "Notre site n'a aucun journaliste détaché pour suivre le président brésilien. En revanche, nous sommes trois pour couvrir tous les faits et gestes du onze brésilien." Comme toutes les rockstars, il est bien difficile d'approcher les joueurs de Scolari. A leur hôtel, après avoir dépassé, à l'entrée, les groupies hystériques de Neymar qui campaient là depuis plusieurs heures déjà, les Brésiliens, escortés par des militaires en nombre, ont emprunté, en direct sur ESPN Brésil, une entrée dérobée comme pour mieux fuir le tumulte que provoque chacune de leurs sorties.
Pour assister à leur conférence de presse, il faut bien sûr montrer patte blanche. Mais recueillir la parole sainte des internationaux brésiliens n'est pas aussi simple. Elle n'est réservée qu'aux diffuseurs officiels de leurs rencontres. Les demandes sont trop nombreuses et 95% de la presse française, pourtant persévérante, s'est heurtée à l'intransigeance du système de sécurité de la fédération brésilienne. Il m'a fallu profiter de la distraction de l'un des vigiles et jouer férocement des coudes pour m'extraire de la centaine de journalistes recalés et assister aux premières loges à la conférence de presse de Lucas au milieu d'une nuée de caméras et de micros. "Chaque rassemblement de la Seleçao est préparé par notre rédaction comme une opération de guerre", résume Celso Santos Junior.
Les entrainements publics de la sélection brésilienne suscitent plus d'enthousiasme ou de ferveur que n'importe quel match officiel des Bleus au Stade de France. Quand Neymar est dans les parages, des groupes entiers de jeunes adolescentes brésiliennes rappliquent. Et elles savent se faire entendre, même lorsque le public est nombreux. Elles seront au stade dimanche à 16h (heure locale, 21h00 en France), les 60 540 places de l'Arena do Gremio ont déjà trouvé preneur pour la rencontre face à la France. Mercredi dernier, Uruguay-France s'est tenu dans une ambiance de cathédrale au coeur d'un Centenario à moitié vide. Alors qu'à quelques kilomètres de là, 804 exactement, Porto Alegre trépignait déjà d'impatience.


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